Selon le chanteur-romancier Nicolas Peyrac, le voyage rend possible toutes les écritures. C’est une ouverture vers l’ailleurs. L’écriture qui découle des voyages peut se présenter sous diverses formes, à la manière de poupées gigogne, par des photos, des textes, des chansons, des mots. L’écriture, c’est tous les mots à la fois, les notes et les images.
Le fait de voyager élargit nos perspectives, notre horizon, nous ouvre à de nouvelles cultures et à de nouveaux environnements. On apprend forcément quelque chose de nouveau sur le monde et sur nous-même, par ricochet. On devient une autre personne à cotôyer le monde et les autres.
La littérature de voyage, notamment aux XIXe et XXe siècles, a fortement prospéré, même si ce genre littéraire a toujours existé à toutes les époques et dans toutes les civilisations. La littérature et le voyage ont toujours fait bon ménage. On pense à Pierre Loti dont la maison à Rochefort en Charente-Maritime est le reflet de ses excursions à travers le planète.
Un genre littéraire multiforme
Le récit de voyage se démarque de fait du roman. Le voyage peut être réel ou fictif, mais un récit de voyage ne décrit pas un monde imaginaire. Il part de la réalité. Cependant, ce n’est pas un genre codifié et il peut prendre des formes très diverses, comme le carnet de route, la chronique, le rapport, le blog, le journal intime, voire le grand reportage popularisé par Albert Londres.
Même si le récit de voyage est peu condifié et protéiforme, il est néanmoins caractérisé par quelques spécificités. Il est normalement écrit à la première personne du singulier, car il apparaît comme le reflet direct de l’expérience personnelle de l’auteur-voyageur. Il peut mêler des notions géographiques, politiques, historiques, linguistiques, ethnologiques, etc. Il adopte une structure en boucle: il commence par le départ du voyage et se termine par le retour.
Le récit de voyage s’élabore en deux temps. D’abord, c’est le temps du voyage pendant lequel l’auteur prend des notes, fait des croquis, prend des photos. Puis le temps de l’écriture lui succède: c’est le moment où l’auteur raconte les événements qu’il a vécus pendant son périple et décrit ce qu’il a vu. Il témoigne donc d’un souci de vérité.
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L’écrivain-voyageur, Sylvain Tesson
Sylvain Tesson a fait le tour du monde en bicyclette en 1993 à 21 ans avec Alexandre Poussin; il a traversé l’Himalaya sur 5000 kilomètres; il a traversé les steppes d’Asie centrale à cheval, puis la Sibérie sur les traces des évadés du goulag; il s’est lancé sur les traces de la Grande Armée de Napoléon; puis il a traversé la France rurale dont un film avec Jean Dujardin a récemment été tiré, etc. Il s’est fait connaître du grand public avec son remarquable récit de voyage, “L’axe du loup” publié en 2004.
De ses périples, Sylvain Tesson rapporte des récits, qui connaissent un certain succès. Durant ses voyages, il aime à se retrouver seul, avec un cigare et un livre de poésie, notamment après une étape harassante. Il voyage pour écrire et il vit de son écriture. Donc, Sylvain Tesson voyage pour vivre. Il se dit inspiré par les voyages, qui l’emplissent et il précise que ce ne sont pas des vacances quand il voyage.
Crédit photo: lenouveaucenacle.fr
Quand il écrit, il prolonge ses aventures de voyage. Il entreprend toujours ses voyages avec des moyens de transport simples, mais certains sont originaux, comme le side-car ou l’éléphant. Très souvent, ses périples se font à pied, car les pas réalisés au fil de la marche nettoie le corps et l’âme de tous les maux. C’est, à ses yeux, le meilleur des médicaments.
Dans ses récits de voyage, il cherche à faire partager l’indicible, pour faire chanter les silences qu’il entend lors de ses pérégrinations. Il écrit l’expérience, son expérience. Il court le monde pour le formuler. Il vit le voyage comme une aventure sensuelle, où tous ses sens sont en alerte.
Le voyage, c’est comme une école de la vie. Il a découvert que la lenteur, la solitude et le silence offrent l’occasion de se connaître soi-même et d’intensifier l’expérience de la vie. Il court le monde parce qu’il est là, à sa portée et que la vie est courte. Il articule sa vie entre le voyage et la littérature. Il ne voyage pas de la même manière que nous autres puisqu’il sait qu’il part pour écrire ensuite. Cette perspective lui permet de mieux saisir l’environnement dans lequel il se trouve et de mieux formuler les idées qui lui traversent l’esprit.
Le fait d’avoir la page blanche à remplir à la suite d’un voyage permet à Sylvain Tesson de vivre son voyage plus intensément avec plus de conscience et plus d’attention. Quand il voyage il a un appétit d’ogre pour les découvertes et les sensations. A ses yeux, le voyage est l’alimentation de la littérature. Il a besoin de ses voyages pour se sentir vivant et bouillonnant, comme il aime à le formuler. La vie s’intensifie et s’accélère pendant le voyage. C’est là une matière à l’écriture.
Tous les voyageurs ne sont pas des écrivains. Sylvain Tesson dit, pour sa part, qu’il éprouve un immense bonheur à écrire ses voyages, car il peut les vivre une deuxième fois. Il a l’impression ainsi de vivre une vie à rebonds. L’écriture lui permet de prolonger l’aventure et de trouver les mots adéquats pour partager avec son public.
En effet, il a consigné par écrit chacun de ses voyages. La vie qu’il a vécue jusqu’à maintenant pourrait s’apparenter à de la fiction, tant il a vécu d’expériences insolites et d’anecdotes croustillantes et romanesques. C’était pourtant la réalité, sa réalité, que bon nombres d’écrivains rêveraient d’imaginer.
Pourquoi lit-on des récits de voyage?
Un livre sur un voyage suscite souvent une envie de partir, de départ, d’un autre ailleurs. La lecture du voyage nous permet de nous soustraire pour un temps de la réalité et à la fois de mieux l’observer. Qui n’aurait pas envie de partir à Venise après avoir lu Proust, en Afrique avec Joseph Conrad, en Afghanistan (celui d’avant) avec Ella Maillart, sur la route de la soie avec Bernard Ollivier, l’Australie avec Chatwin.
Voyager en compagnie d’un écrivain-voyageur permet d’établir sa propre perception d’un lieu sans jamais l’avoir visité. Quand on écrit en voyage, cela devient une manière d’exorciser à la fois la nostalgie de ses propres racines, du lieu et des amitiés que le voyageur s’apprête à quitter.
L’écriture de l’ailleurs permet aussi, en notant les impressions, les émotions et les observations, de conserver une trace de l’élan spontané de la découverte, quitte à transformer le carnet en récit, et partager ainsi l’expérience vécue avec un futur lecteur, qu’un livre lancera à son tour sur les routes…du moins, c’est ce que tout écrivain-voyageur souhaite!
L’écriture du voyage à l’ère de la mondialisation
Par mondialisation s’entend l’accélération et la banalisation des moyens de transport et l’interconnexion planétaire rendues possibles grâce aux nouveaux moyens de communication. La profusion permanente des images rend-elle la découverte encore possible? Tous les territoires de la planète ont déjà été visités.
Pourtant, à l’instar d’individus tels que Sylvain Tesson, Nicolas Bouvier et d’autres, l’aventure est toujours possible. Elle est possible si on s’écarte des routes commerciales, du tourisme de masse, des façons de vivre copiées sur le monde occidental. De nos jours, quand on voyage dans des zones isolées, on part surtout à la découverte de soi, puisque tous les exploits ont déjà quasiment été réalisés.
Aujourd’hui voyager est devenu si aisé qu’on oublie un peu vite qu’il n’y a pas si longtemps, des trajets dans un même pays pouvaient être infiniment longs. Avec la réduction du temps des voyages, les voyageurs peuvent passer d’un bout à l’autre de la planète sans presque s’en apercevoir. Le temps du voyage reste un temps intermédiaire mais il ne compte presque plus. Aujourd’hui, il est presque dépassé de demander si l’un ou l’autre a fait bon voyage.
On peut dire ainsi que d’une certaine manière, on a rompu avec la poésie des voyages. La période passée entre deux points est comme effacée. Au fond, seuls importent le point d’où l’on part et celui où l’on doit arriver et surtout les moyens que l’on se donne pour faire en un minimum de temps un maximum de choses. Ceci étant dit, le voyage peut tout de même rester grisant mais d’une manière différente.
La course de vitesse de tous les instants délaisse souvent les exigences de qualité. A force de vouloir aller toujours plus vite, on perd en substance. A force de vouloir découvrir les villes d’un même pays ou plusieurs pays en un temps record, l’homme consomme le voyage au lieu de le rendre sien.
L’écrivain voyageur, lui, prend une autre position. Il considère le temps comme un ami. Il s’imprègne des lieux pour traduire les images vers lesquelles il va en mots. L’écrivain voyageur prend du plaisir à faire durer le voyage.
Sur la route…
Voyager, c’est se confronter au divers, s’intéresser à l’autre. Si dans le voyage, il y a d’abord généralement un changement géographique, celui-ci s’accompagne parfois d’un mouvement existentiel. Voyager c’est en effet perdre ses repères. Jack Kerouac dans « Sur la Route » décrit ce sentiment dans l’incipit du roman lorsqu’il se perd à la limite de New-York, subissant une pluie violente qui l’oblige à rebrousser chemin.
Chaque soir en voyage, Sylvain Tesson épingle dans son carnet sa pensée. Quelques mots posés sur la page forment un aphorisme. La somme d’aphorismes donnera ce merveilleux petit livre « Aphorismes sous la lune et autres pensées sauvages ». Cet écrivain-voyageur dont on se souvient aussi du « Petit Traité sur l’Immensité du Monde » regarde le voyage à travers le prisme de notre époque et réagit. Pour ralentir la fuite du temps, Tesson a choisi de parcourir le monde à cheval, à pied ou en canot. Il souhaite embrasser la terre et restituer un parfum d’aventure au ralenti, à l’heure où dans nos sociétés, le voyage est devenu une évidence.
Carnet de voyage et écriture thérapeutique
Le voyage permet de se découvrir et l’écriture aide à s’affranchir. C’est un pouvoir insoupçonné que l’on a entre nos mains, celui de discuter avec son inconscient, et de trouver en soi toutes les réponses à nos doutes et nos questionnements.
Seul face à lui-même et face au monde, un voyageur-écrivain découvre, sur les chemins, la magie de l’écriture. Il vit des périples qu’il consigne au fil des jours et au fil des pages, comme une sorte de journal intime. Il vit une expérience très forte et sans doute bouleversante, si on en croit les récits de voyage récents ou anciens.
On perd ses répères; on est loin de ses proches, loin de tout, entouré par l’inconnu. Tout voyageur peut trouver dans l’écriture une aventure mystique, comme s’il se confiait à quelqu’un qui l’écoute, lui répond et l’encourage. Pendant cette étape où le voyageur se pose, il réfléchit, choisit ses mots pour raconter sa journée, couche ses ressentis, ses émotions et ses réactions sur le papier. Il se détache des scènes qu’il a vécues dans la journée, pour mieux les analyser avec un regard extérieur.
Crédit photo: thetravellinside.com
Coucher sur le papier ses récits avec les angoisses et les doutes qui l’accompagnent, voire les peurs, est une manière efficace de passer à autre chose et d’avancer, afin d’envisager sereinement la suite du voyage.
En guise de conclusion
Il existe plusieurs salons dédiés aux récits et carnets de voyage, à Clermont-Ferrand, à Saint Malo, à Aix-en-Provence, à Orléans et à Bordeaux pour la première fois début décembre 2023, pour ceux que je connais. Le genre du carnet de voyage, quelque peu négligé depuis les années 1960, est aujourd’hui en pleine effervescence. Et c’est tant mieux!
Le carnet de voyage est avant tout un art de la patience, de la lenteur, de la distance critique et de la fraternité. L’écrivain-voyageur est inspiré par l’ailleurs, pour notre plus grand bonheur. Joseph Kessel sillonna les continents pour écrire. Théodore Monod a partagé sa passion pour le désert avec ses lecteurs, jusqu’à la fin de sa vie.
On ne compte plus les écrivains-voyageurs célèbres qui ont partagé leurs expériences de leurs voyages: Jules Verne, Gérard de Nerval, Pierre Loti, George Sand, Marco Polo, Alexandra David-Neel, Arthur Rimbaud, Ernest Hemingway, Le Clézio, Jack London, Jean-Christophe Ruffin, Chateaubriand, Stendhal, Stevenson, etc. Vous avez de quoi vous occuper pour l’été qui arrive!
Mon guide pour vous occuper cet été
J’ai conçu, uniquement pour vous, un CALENDRIER D’ECRITURE, pour écrire un court texte chaque jour! Rien de plus simple: vous pouvez commencer à écrire dès que vous recevez le livre! Il n’y a pas de progression dans la difficulté. Tout est possible à tout moment!
Il suffit juste de vous faire plaisir!
L’été, c’est l’occasion de faire le point, de s’adonner à ce qui nous fait plaisir!
Alors, JE COMPTE SUR VOUS! J’ai mis un an de travail dans ce calendrier d’écriture, rien que pour vous!
Le tout, pour moins de 10€ pour mon calendrier en version numérique et mons de 20€ en version papier! Vous en avez de la chance! Je vous l’assure, vous ne le regretterez pas!
Quel cadeau ce dossier! Merciiiii
Et je fais comment pour commander votre carnet d’écriture?